Prix Nobel de littérature 2022, Annie Ernaux a été saluée pour son oeuvre qui place la mémoire au coeur de l'écriture. Dans cet ouvrage, l'événement en question est un avortement clandestin dans les années 60, un événement qu'elle raconte dans les années 2000 dans un livre du même titre. La condition féminine est également un des thèmes majeurs de ses écrits. Voici des citations choisies pour découvrir Annie Ernaux et sa plume.
Dans ce roman incontournable et autobiographique, Annie Ernaux, qui a été professeure de lettres, interroge sa mémoire sur un évènement fondamental dans sa vie de femme : un avortement clandestin.
Avec cette lecture, on en apprend beaucoup sur l'opprobre qui pèse sur les femmes à cette époque, avant la légalisation de l'avortement en 1975 avec la loi Veil, la loi n° 75-17 du 17 janvier 1975 relative à l'interruption volontaire de la grossesse, soit des années après son avortement dans les années 60... Et il aura fallu des années pour qu'elle propose ce livre publié en 2000. Le rapport à la loi y est éclairant, notamment lorsqu'on le rapproche des débats actuels pour inscrire le droit à l'avortement dans la Constitution qui se heurte à l'opposition du Sénat. Aussi, les mêmes motifs se retrouvent en 2022, d'une certaine manière, avec la protection de la condition féminine qui fait encore débat à travers le monde. D'autres autrices ont lutté avec des mots (et des débats) pour faire entendre leurs voix. On pense ici à Gisèle Halimi ou Françoise Sagan. Vous avez envie d'acheter des livres d'Annie Ernaux pour découvrir son style ? Voici une sélection de 5 de ses livres dans Le Parisien.
En attendant de lire d'autres romans de la première femme française Prix Nobel de littérature, voici une sélection de citations éclairantes sur cet ouvrage.
Quelques citations choisies du livre
"Dans l'amour et la jouissance, je ne me sentais pas un corps intrinsèquement différent de celui des hommes. "
"C'est justement parce qu'aucune interdiction ne pèse plus sur l'avortement que je peux, écartant le sens collectif et les formules nécessairement simplifiées imposées par la lutte des années soixante-dix - "violence faite aux femmes, etc." - affronter, dans sa réalité, cet événement inoubliable."
"Il m'a parlé ensuite des B., un couple marié dont la femme avait eu un avortement deux ou trois ans auparavant. "Elle a failli en crever d'ailleurs.""
"Les filles comme moi gâchaient la journée des médecins. Sans argent et sans relations - sinon elles ne seraient pas venues échouer à l'aveuglette chez eux -, elles les obligeait à se rappeler la loi qui pouvait les envoyer en prison et leur interdir d'exercer pour toujours. Ils n'osaient pas dire la vérité, qu'ils n'allaient pas risquer de tout perdre pour les beaux yeux d'une demoiselle assez stupide pour se faire mettre en cloque. A moins qu'ils n'aient sincèrement préféré mourir plutôt que d'enfreindre une loi qui laissait mourir des femmes. Mais tous devaient penser que, même si on les empêchait d'avorter, elles trouveraient bien un moyen. En face d'une carrière brisée, une aiguille à tricoter dans le vagin ne pesait pas lourd."
"Et comme d'habitude, il était impossible de déterminer si l'avortement était interdit parce que c'était mal, ou si c'était mal parce que c'était interdit. On jugeait par rapport à la loi, on ne jugeait pas la loi."
"J'étais devenue intérieurement une délinquante."
"D'avoir vécu une chose, quelle qu'elle soit, donne le droit imprescriptible de l'écrire. Il n'y a pas de vérité inférieure."
"Au Japon, on appelle les enfants avortés "mizuko", les enfants de l'eau."
Et puis pour ceux qui voudraient voir l'adaptation au cinéma, voici la bande-annonce du film sorti en 2021 réalisé par Audrey Diwan.