Parce que de nombreuses poétesses sont tombées dans l'oubli, voici un petit recueil de poèmes ou de citations. Pour éveiller le monde, les consciences, avec de la poésie, sans violence, sur la condition féminine qui n'a jamais cessé d'inspirer de grands mouvements d'âmes, aux justes.
Pour commencer ce billet, parlons un peu de ces poétesses, dont le nom et les écrits sont tombés dans l'oubli. On vante toujours Hugo (et à raison), Flaubert ou Baudelaire, pour ne citer qu'eux alors que de leur temps, ils admiraient ces femmes pour leurs magnifiques plumes et se pressaient dans leurs salons littéraires. Le temps passe et les femmes disparaissent, on n'étudie pas ces poèmes comme ceux de Jean de La Fontaine.
On ne se souvient par exemple de Louise Colet que du mot de rupture de Flaubert (d'une élégance fort discutable) et que l'on peut lire sur quelque part sur le bord de la plage du côté de Trouville :
"Madame,
J’ai appris que vous vous étiez donné la peine de venir, hier, dans la soirée, trois fois chez moi. Je n’y étais pas ; et, dans la crainte des avanies qu’une telle persistance de votre part pourrait vous attirer de la mienne, le savoir-vivre m’engage à vous prévenir : que je n’y serai jamais.
J’ai l’honneur de vous saluer".
Pour saluer sa mémoire, et commencer avec un poème plutôt qu'une citation, je vous propose celui-ci, dédié aux femmes, un texte qui n'a pas pris une ride alors qu'il a été écrit en 1854 ! Il mériterait sa place à côté du texte de rupture sur le bord de la mer... et un peu partout sur les murs pour que la sororité règne, et que l'on comprenne enfin le sens du féminisme, le vrai, celui qui ne fait pas de l'homme un ennemi, mais qui élève tout un chacun vers l'égalité et la dignité.
L'autrice Nigériane Chimamanda Ngozie Adichie le résume très bien dans son essai "Nous sommes tous des féministes" (2014) ou encore dans "Chère Ijeawele, ou un manifeste pour une éducation féministe" (2017). Evidemment, Gisèle Halimi avant elle a oeuvré pour l'égalité des femmes et des hommes, et a publié ce texte qui remet les pendules à l'heure sur le sujet qui fait toujours débat : "La Cause des femmes... Et on se demande bien pourquoi....
Mais trêve de références... voici un poème qui en dit long sur la condition féminine depuis des siècles, et il est de Louise Colet... que Victor Hugo admirait.
Aux Femmes (1854)
Femmes, à vous mes chants, ma pitié, mon amour,
Toutes vous me semblez une part de moi-même,
Je lis dans vos douleurs et les peins tour à tour,
Toutes vous m'êtes soeurs et toutes je vous aime.
A vos persécuteurs je parle sans détour,
Malgré leur ironie ou leur lâche anathème ;
Car le mal est immense et l'instant est suprême,
Les secrets de nos coeurs éclatent au grand jour.
Notre rédemption est l'oeuvre qu'on médite :
L'amour se réjouit, l'impureté s'irrite
De voir la liberté qui nous donne la main.
L'esclave, qu'écrasait l'antiquité barbare,
Entrevoyait le jour, pressentait la fanfare
Des temps où finirait son douloureux chemin.
(Ce qu'on rêve en aimant)
Des citations de poésie (ou une sélection de vers magnifiques)
Les inflexions de l'âme n'appartiennent pas qu'aux hommes, les femmes peuvent aussi faire entendre leurs voix, et faire chanter leurs âmes... De l'amour heureux, à l'amour malheureux, en passant par les élégies maternelles, la perte d'un être cher, d'un enfant, les poétesses nous transportent avec douceur dans leur univers et leur époque avec talent.
Un poème de Madeleine de Scudéry (1664)
Madrigal - Les Amoureux
"L'eau qui caresse ce rivage,
La rose qui s'ouvre au zéphyr,
Le vent qui rit sous ce feuillage,
Tout dit qu'aimer est un plaisir.
De deux amants l'égale flamme
Sçait doublement les rendre heureux,
Les indifférents n'ont qu'une âme,
Lorsque l'on aime, on en a deux."
Des vers de Fanny de Beauharnais du poème "Portrait des Français"(1776)
"Tous vos goûts sont inconséquents :
Un rien change vos caractères ;
Un rien commande vos penchants.
Vous prenez pour des feux ardents
Les bluettes les plus légères."
Vers de Victoire Babois dans "Elégies maternelles"(1805)
"Quel changement terrible ! hélas ! ces heureux jours,
en vain je les appelle, ils ont fui pour toujours.
Depuis l'instant affreux où tu me fus ravie,
Et qui dut être, hélas ! le dernier de ma vie,
(...)
Rien ne peut de t'aimer remplacer l'habitude (...)
Le courage n'est plus où n'est plus l'espérance."
Vers de "Sans l'oublier" de Marceline Desbordes-Valmore (1819)
"Sans l'oublier on peut fuir ce qu'on aime,
On peut bannir son nom de ses discours,
Et, de l'absence implorant le secours,
Se dérober à ce maître suprême,
Sans l'oublier !"
Vers et poème d'Elisa Mercoeur
Rêverie (1828)
"Qu'importe qu'en un jour on dépense une vie,
Si l'on doit en aimant épuiser tout son coeur."
L'Amour (1827)
"Riant ou pénible mensonge,
De la raison fatal sommeil ;
L'amour n'est bien souvent qu'un songe
Dont la vieillesse est le réveil.'
Renée Vivien - Petit Poème érotique (1908)
"Moi qui voudrais chanter, je demeure muette,
Je désire et je cherche et surtout je regrette..."
Pour finir. d'Anna de Noailles, qui a créé le Prix littéraire "Vie heureuse", désormais nommé le Prix Fémina, je vous invite à lire le magnifique poème "L'Offrande à la nature" (1901) qui est d'une telle beauté que je vous laisser aller le chercher...
Des idées de lecture de poésie féminine
Si vous souhaitez découvrir plus de poésie féminine, vous pouvez vous procurer plusieurs ouvrages dédiés et ce, sans vous ruiner. J'ai acheté "La Petite Anthologie des poétesses françaises" par Sylvie Brunet, un tout petit livre (mais ô combien puissant) qui coûte à peine 3 euros, mais aussi "Une anthologie de la poésie féminine" de Françoise Chandernagor, ou Quand les femmes parlent d'amour... Bien sûr qu'on aime les poètes français, sans exclure les femmes de ce genre littéraire.
Pour conclure, voici les mots d'un poète, Rimbaud, dans la "Lettre du Voyant" (1871) :
"Quand sera brisé l'infini servage de la femme, quand elle vivra pour elle et par elle, l'homme, jusqu'ici abominable, lui ayant donné son renvoi, elle sera poète, elle aussi !
La femme trouvera de l'inconnu ! Ses mondes d'idées différeront-ils des nôtres ? - Elle trouvera les choses étranges, insondables, repoussantes, délicieuses ; nous les prendrons, nous les comprendrons." Une citation issue de l'introduction de l'ouvrage de Sylvie Brunet précité.
Je vous invite aussi à lire ces citations d'Alice Zeniter qui a publié en 2022 un livre sur la femme dans la fiction : Toute une moitié du monde.
Avec amour et tolérance...