Ecrit en 2009 par l'auteur iranien exilé aux Etats-Unis, Shahriar Mandanipour, "En censurant un roman d'amour iranien" est un livre qui nous transporte dans l'histoire d'amour de Sara et Dara. Deux jeunes iraniens qui ne peuvent se parler librement dans la rue et doivent faire preuve d'inventivité pour se rencontrer et s'aimer... L'auteur y évoque également, avec poésie, la censure qui pèse sur l'art et sur la vie en Iran.
"Demandez-moi : pourquoi ? Je vous répondrai..." Cette phrase revient régulièrement dans le texte de ce magnifique roman "En censurant un roman d'amour iranien". L'auteur, Shahriar Mandanipour, s'adresse régulièrement à son lecteur pour lui faire comprendre les subtilités culturelles iraniennes, les subtilités de la langue, avec de nombreux mots en farsi, et donne des références historiques et religieuses sur le pays pour une meilleure compréhension du texte.
Un auteur censuré et exilé
Né à Chiraz en 1957, Shahriar Mandanipour a été censuré dans son pays. Il revient sur cette censure islamique qui ne veut pas voir apparaître le mot "sein" dans un texte, de peur d'exciter les lecteurs.
Dans ce roman, il s'autocensure, raye de nombreux passages qui pourraient l'être par les censeurs, ces garants des bonnes moeurs. Il nous raconte la difficulté des écrivains, des cinéastes, du peuple, et la censure qui fait disparaître les femmes ou leur peau nue de l'écran et des magazines, les scènes de baisers,... Ils coupent et voilent une réalité qu'ils ne veulent pas voir. Suspicieux de toute forme d'opposition, ils oppressent, interdisent de porter des couleurs et clouent le voile sur la tête des femmes.
Mais dans ce pays, l'amour naissant de Sara et Dara nous apporte douceur et espoir. Car l'ambition de l'auteur est de nous proposer un roman d'amour magnifique et lumineux, sans heurts, où l'amour sort vainqueur de la censure, même si pour le faire exister, il est obligé de s'arranger avec les ciseaux et la pointe du crayon pour créer cette histoire d'amour digne de ce nom. Ce roman suit, en partie, les traces d'une autre histoire d'amour persane, celle de Shirin et Khosrow. En censurant un roman d'amour iranien citations pour vous donner envie de le lire.
En censurant un roman d'amour iranien citations
"J'aimerais être un écrivain aussi puissant que lui afin de pouvoir t'écrire une lettre extraordinaire, merveilleuse. Si je pouvais t'écrire une lettre qu'aucun amoureux n'a jamais écrite, je ne demanderais plus rien à la vie et mourir me serait facile..."
"Mon père avait parfaitement raison. Voilà pourquoi je n'étais pas d'accord avec lui."
"Pour rédiger un bon récit, on doit chercher à s'assurer que même les personnages qui perdent la tête ont une raison logique de le faire."
"Je crois, dit Dara, que les amoureux n'ont pas besoin de paroles, de lettres et de conversation. Ils se contentent de se regarder et de lire dans les pensées de l'autre. C'est tout."
"Tout écrivain a maintes fois rencontré ses mots."
"Heureux ceux qui peuvent tomber amoureux."
"Tous les amoureux du monde comptent les minutes dans l'attente que cette phrase sorte de leur propre bouche ou de celle de l'être aimé. Vous connaissez cette phrase."
"Je pense que les écrivains sont les êtres les plus dénudés du monde."
"Serait-ce possible que le monde actuel n'inspire pas aux écrivains des histoires d'amour ?"
"Réfléchissons ensemble et trouvons quelque chose de beau à faire."
"Les qualités primordiales d'un être humain sont de savoir pardonner et d'éviter la violence."
"Pour moi, aimer signifie créer de la beauté."
"L'amour a le pouvoir d'apporter l'oubli."
Aimer, une liberté fondamentale
Ce qui transperce ce roman d'amour, si difficile à publier en Iran comme le souligne à de nombreuses reprises l'auteur, c'est cette soif de liberté des jeunes. Une soif d'aimer librement. Si le roman a été publié en 2009, avant que les femmes iraniennes ne se dévoilent en signe de révolte, il touchait déjà du doigt le sujet du voile et de l'enfermement des femmes. Selon lui, les hommes n'ont pas été à la hauteur pour les protéger. Fort heureusement, on a pu voir des hommes les défendre...
Il me semble intéressant de vous montrer ce que Google propose comme recherche lorsque j'écris "Femmes iranienne". Ce que l'on trouve sur le célèbre moteur de recherche après cette requête est intéressant. On trouve à quoi ressemblaient les femmes dans les années 60/70 (ce qui veut dire que c'est une recherche récurrente), c'est-à-dire avant qu'elles ne portent le voile. Il nous propose aussi de comprendre leur révolte à travers des manifestations et avec la mort qui plane... Car la recherche "femme iranienne morte" est complétée du mot "voile" et évoque la mort de Mahsa Amini qui a déclenché le soulèvement des femmes : qui, avec pour seules armes des ciseaux, ont coupé leurs cheveux. On pense aussi, avec le coeur serré, aux écolières intoxiquées en Iran. Pourquoi les femmes et leur liberté sont-elles à ce point dangereuses aux yeux de ces hommes?
Le féminisme, pour y revenir suite à mon billet doux sur Chimamanda Ngozi Adichie, c'est pour moi le fait que je ne me sente pas vraiment libre quand d'autres femmes, où que ce soit dans le monde, ne le sont pas. C'est faire preuve de sororité. Car la vie de toutes les femmes compte, autant que celles des hommes. Toutes les vies comptent.. Et il est essentiel de faire bouger les lignes et de combattre la violence faite aux femmes en Iran comme ailleurs. L'amour n'est pas une solution utopique, il faudrait qu'on apprenne à vivre ensemble, à se comprendre, à tolérer les différences... et à ne pas dominer l'autre pour exister.