Un peu comme un témoignage, je souhaite vous parler de l'endométriose et de la reconnaissance ALD (affection de longue durée). La reconnaissance n'est pas automatique une fois le diagnostic posé et vous devrez faire la demande avec votre médecin traitant, et cela peut prendre du temps... et beaucoup d'énergie.
Il y a un peu moins d'un an, on me diagnostiquait une endométriose profonde avec de nombreuses lésions. A l'époque, je ne connaissais que vaguement cette maladie. Je ne soupçonnais même pas que j'en étais atteinte malgré des règles extrêmement douloureuses et une fatigue incroyable. J'avais des douleurs localisées à gauche au niveau de l'ovaire que je n'arrivais pas à bien comprendre. Et lors d'un banal rendez-vous chez le gynécologue, on trouve plusieurs kystes sur cet ovaire... Il faut attendre plusieurs cycles pour vérifier que ce ne sont pas des kystes "bénins". Deux mois plus tard, ils sont toujours là, posés, tranquilles, pas bougé. Il faut faire une IRM.
Poser le diagnostic de l'endométriose
Bon, je me doutais que j'avais une endométriose, mais là encore, je ne savais pas qu'il y avait des lésions cachées qu'on ne pouvait découvrir qu'avec l'IRM. Quelle ne fut pas ma surprise au moment d'entendre les résultats. "Vous avez plusieurs lésions". Je ne croyais avoir "que" des endométriomes. Dans ce contexte, l'entourage a un rôle essentiel, mais vous êtes souvent confrontées à des imbéciles qui ne comprennent pas cette maladie, et ne veulent pas la comprendre.
C'est à ce moment-là qu'on me parle de préservation de fertilité, que je fais des examens sanguins pour savoir si je peux, malgré tout, avoir un enfant. On me dit de congeler mes ovocytes ASAP. Mais pour les douleurs, on me dit que c'est trop profond pour opérer et on me propose de la codéine et de l'Antadys. Tous les mois, et plusieurs fois par mois, je fais des crises. C'est hyper fatigant et effrayant. J'avais parfois l'impression qu'on m'ouvrait le ventre avec un couteau.
Le gynéco m'avait dit que si les douleurs s'intensifiaient pendant plusieurs cycles une nouvelle consultation serait nécessaire. Sagement, j'attendais que plusieurs cycles passent, dans la douleur. Une fois la douleur devenue intolérable, on me dit qu'il faut couper mes règles pour que la maladie ne s'étende pas plus. La solution, une pilule. Laquelle n'est pas remboursée. Alors, je pleure. Je me dis : tout de même, c'est fort de café d'avoir à payer pour ça. Car je ne souhaite pas la prendre, cette pilule, mais je n'ai pas le choix.
Reconnaissance de l'ALD pour l'endométriose
Au travail, des collègues et l'infirmière me parlent de l'ALD, me disent que je peux avoir une meilleure prise en charge pour cette maladie avec cette reconnaissance. J'en fais la demande à mon médecin traitant qui s'exécute. J'essuie un refus de la Sécu, sans explications, et dois faire une contestation. Là, je me dis que je deviens folle. Car tout le monde (ou beaucoup trop de personnes) autour de moi minimise l'impact de l'endométriose sur ma vie. "Mais avant tu ne te plaignais pas?" si, mais vous n'y faisiez pas attention... et puis j'essayais de prendre sur moi. Je fais la contestation et je n'ai pas de nouvelles pendant 3 mois.
J'appelle à deux reprises la Sécu, la première fois, on me dit que le dossier suit son cours. La seconde, qu'il y a un retard de plus de 6 mois dans le traitement des contestations... mais que je peux refaire la demande. Je change de médecin traitant et la demande est acceptée dans la semaine. Les motifs du premier refus ? Une conseillère de la Sécu me dit que je n'avais pas eu d'arrêt de travail en lien avec l'endométriose et qu'aucune opération n'était prévue...
Une fois l'ALD reconnue, une ALD hors liste, je me sens soulagée, mais cela ne s'arrête pas là. Il faut faire face à l'incompréhension de certaines personnes au travail. Quand on dit qu'on est fatiguée ou qu'on a mal on peut nous rétorquer que c'est bizarre,... Ce qui sonne comme un reproche. On tourne autour du pot. On vous renvoie que le problème vient de la motivation, de la bonne volonté. On vous dit que vous avez changé, que vous n'êtes plus la même... On vous dit que le perso ne doit pas empiéter sur le pro... C'est un peu lunaire, surtout si vous avez pris le soin d'expliquer ce que vous avez à vos managers.
Dans le même temps, je prends rendez-vous à l'IFEM, le centre européen d'endométriose à Bordeaux pour un suivi spécialisé. J'appréhende. On me parle aussi de faire une demande RQTH. Je ne veux qu'aller en cure pour me remettre de cette année pleine de douleurs, de fatigue et de déceptions. Car c'est presque aussi éprouvant de vouloir convaincre quelqu'un qu'on a mal, que d'avoir mal. C'est épuisant de devoir se justifier, de faire semblant que tout va bien alors qu'on vient de prendre des cachets tellement on a mal, justement. De devoir filer à la pharmacie pour avoir de la codéine tant les douleurs sont intenses, et ce, malgré la pilule. De se brûler le ventre avec des bouillottes car on a trop mal.
Endométriose ALD : Un peu d'empathie svp
Alors, j'aimerais juste vous dire, qu'il ne faut pas juger ceux qui sont malades, qu'il faut essayer de comprendre et d'alléger leur charge. Parce qu'une affection longue durée, quelle qu'elle soit, n'est pas inventée : il y a un diagnostic médical. On a besoin de temps pour "repartir de zéro", avec cette nouvelle donnée. Et on ne peut pas le faire si on nous tire dans les pattes.
Que j'ai eu mal au coeur, quand mon mec de l'époque m'a dit qu'il me restait quand même un ovaire, ou que je somatisais.
Que j'ai eu mal au coeur quand des "amies" m'ont fait des remarques sur le fait que je me plaignais de payer la pilule.
Que j'ai eu mal au coeur quand des personnes à qui je me suis confiée ont trahi m'a confiance.
Que j'ai eu mal au coeur quand on m'a dit qu'on avait l'impression que je n'étais plus la même.
Que j'ai eu mal au coeur quand j'ai dû arrêter de fréquenter certaines personnes que je ne comprenais plus.
Ces personnes ne comprendront pas qu'on enchaîne les rendez-vous médicaux pour aller mieux, pas pour aller moins bien, mais qu'il y a un processus en cours, que cela ne se fait pas en un claquement de doigts justement d'aller mieux. Que de l'endométriose, on ne guérit pas après 2 semaines... voire pas du tout.
Je découvre alors EndoFrance. Lyv. Je lis la presse avec plus d'attention, je vois que Carrefour va financer le jours d'absence liés à l'endométriose. Et moi, je me dis, ok c'est bien, ça avance. Mais il faut encore que certaines personnes comprennent que ce n'est pas un cadeau d'avoir une ALD ou un aménagement de poste avec plus de télétravail. Que le fait que ce soit "longue durée" signifie bien que cela s'inscrit dans le temps. Que les millions de femmes atteintes n'ont pas choisi d'avoir ces lésions et qu'en télétravail, elles travaillent, elles ne se reposent pas comme elles le devraient et s'accrochent.
A l'inverse, on a choisi de ne pas investir dans la recherche pendant longtemps. On a choisi de ne pas laisser les femmes gérer leur douleur en leur demandant de constamment de se justifier, de venir au travail coûte que coûte. Et ce, malgré les études sur le sujet qui précisent bien le rôle de l'entreprise en préconisant un aménagement de poste avec plus de télétravail et de la flexibilité. Pas du flicage sur les réseaux professionnels. Pas de reproches inutiles, stériles.
Il faut faire attention aux risques d'une situation néfaste au boulot. Car c'est alors la double peine. Quand on met tout en oeuvre pour aller mieux, si une personne vient vous déstabiliser, tous vos efforts partent en fumée. Le stress est à proscrire lorsqu'on est malade. Si l'on se lève toutes les nuits, plusieurs fois, on accumule de la fatigue. On ne s'invente pas des symptômes. Ils sont là, on s'en passerait.
Aussi, voici ce que j'ai trouvé hier sur EndoFrance sur la fatigue et les douleurs chroniques. C'est édifiant.
"Pour gérer une douleur forte, régulière ou constante, invalidante, la femme puise dans ses « réserves ». Les réveils nocturnes dus aux douleurs ou aux envies fréquentes d’uriner ne facilitent pas la récupération. Dans la mesure où l’endométriose provoque des symptômes chroniques, il n’y a pas de temps de récupération pour l’organisme, fatigué par la valse des hormones (traitements, ménopause artificielle), les effets secondaires de certains médicaments, la convalescence des chirurgies."
Juste en dessous, l'association précise cite un extrait de Endométriose et Dépression (V. Antoine et U.Combes) dans « Les idées reçues sur l’endométriose» (EndoFrance paru en 2018) :"À la fatigue chronique induite par la maladie, s’ajoutent l’incompréhension de l’entourage qui peut conduire à l’isolement et à un retrait de la vie sociale, souvent vécue comme une stigmatisation, mais aussi le poids des douleurs répétitives physiques et émotionnelles." Alors, mesdames, messieurs, par pitié, soyez un peu compréhensifs quand on vous dit : je suis crevée.
Quant aux douleurs, EndoFrance précise qu'il "se développe une mémoire de la douleur au niveau des circuits de transmission (des nerfs vers le cerveau). Si la douleur n’est pas dans la tête et qu’elle part bien du corps, le cerveau va néanmoins développer une hypersensibilité qui augmentera l’information douloureuse et la rendra toujours présente et parfois même quand toutes les lésions sont supprimées par la chirurgie."
>> N'hésitez pas à écouter le podcast, "Endométriose : c'est pas réglé!" sur France Culture.
Qu'est-ce qu'une ALD ?
Une ALD est une affection de longue durée. Il faut en faire la demande à la Sécu pour être exonérée du ticket modérateur et avoir une prise en charge à 100% et le tiers payant pour toutes les dépensées liées à la maladie. Cela ne veut pas dire qu'il n'y aura aucun reste à charge, mais c'est déjà un grand pas. Dans mon cas, pour être bien prise en charge, j'imaginais payer une surcomplémentaire santé. Car être malade, cela coûte cher, même si Doliprane, codéine, Antadys et autres médicaments sont remboursés, la pilule ne l'est pas par exemple.... Alors même qu'elle stoppe les règles et limite la progression de la maladie.
Selon Lyv, "en France, on estime que le coût de l’endométriose serait de 13,6 milliards d’euros pour une population atteinte estimée à 1,4 million de personnes*. En France toujours, on estime qu’en moyenne 87% des femmes atteintes d’endométriose dépensent 149,61 € par mois de reste à charge pour leur parcours de santé, soit nos fameux 1800€."
L'endométriose est une ALD hors liste et lors de la demande, il faut bien préciser les conséquences sur la vie quotidienne ainsi que les dépenses liées à la maladie. Par ex, une télé-consultation avec un centre expert peut coûter plus de 100 euros. Et je n'en suis qu'au début de la prise en charge. Il y aura sûrement d'autres examens à faire.
Pourquoi faire la demande ALD avec votre médecin ?
Tout d'abord pour avoir un bon suivi et ne pas vous dire que vous n'êtes pas malade. Pour avoir la reconnaissance et pour avoir le bon niveau de remboursement. Par exemple, les consultations chez votre médecin traitant dans le cadre de l'endométriose seront payées par le tiers payant. Vous n'aurez pas de frais à avancer. Et si on va régulièrement chez le médecin, et même si on est remboursée, cela fait des dépenses. A cela, s'ajoutent les séances de psy, d'osthéo, de sophro, etc. Autant de rdv pour aller mieux qui peuvent être ou ne pas être remboursés. J'avoue que sur ce point, je ne suis pas encore à jour sur tous les frais qui peuvent être remboursés. L'avenir me le dira.
Pour conclure, il existe des solutions pour aller mieux. Même si une grande partie dépend de vous, de votre cheminement, vous pouvez être aidée. Des formations sont proposées aux entreprises pour mieux vous écouter et vous protéger. Des cures thermales existent pour vous remettre et vous soigner. Il faut trouver le bon traitement, celui qui vous correspond à vous. Car on n'a, à ce jour, que des solutions pour limiter les douleurs et la progression des lésions, avec ou sans chirurgie.
L'entourage est très important. Ne vous entourez pas de personnes peu empathiques, peu compréhensives. Pensez à vous. Essayez de formuler vos besoins et si vous ne trouvez pas d'oreille attentive, allez voir ailleurs. C'est inutile de gaspiller son énergie pour des gens que votre santé n'intéresse pas. N'essayez pas de les faire changer d'avis, vous avez plus urgent à faire. Ces personnes ne sont simplement pas du bon côté de l'Histoire.
Comme me l'a dit une amie : "à la fin, c'est toi qui douilles" et même s'ils vous font des reproches, ce ne sont pas eux qui vont venir vous tenir la main quand vous serez aux chiottes à vous vider et pleurer tant vous avez mal.
Enfin, n'hésitez pas à vous entourer de professionnels de santé, médecin du travail, infirmière, mais aussi d'une assistante sociale pour vous accompagner dans vos démarches. Courage.