L'endométriose touche 10 à 20% des femmes avec des lésions différentes d'une femme à l'autre. La recherche a longtemps délaissé ce sujet avec peu d'investissement. Cette maladie n'était même pas enseignée. Les choses évoluent et le regard que porte la société sur cette maladie change. Invisible, l'endométriose a pourtant des impacts bien visibles : dépression, arrêt maladie, prise de poids,... voici des éléments pour mieux comprendre cette maladie chronique.
L'endométriose une maladie invisible : regardez mieux !
Même si la maladie que décrit Boris Vian dans "L'écume des jours" n'est pas une endométriose, j'ai envie de lui emprunter du surréalisme pour en parler. Dans ce roman, des nénuphars grandissent dans la poitrine de Chloé (comme un cancer dont il ne dit jamais le nom).
Dans le cas de l'endométriose, je pense à des fleurs qui poussent dans mon ventre. Elles grandissent prennent de la place. Elles ne sont pas mortelles, mais tout de même, elles dérangent, font mal. Contrairement à une jambe cassée, ce handicap ne se voit pas : sauf à faire plus attention.
Premier exemple vous ne me voyez pas déshabillée ou en maillot de bain, mais les brûlures de mes bouillottes sont bien voyantes (une des seules solutions en plus de la codéine pour avoir moins mal). Elles ressemblent à une petite prairie. J'ai essayé toutes les bouillottes, celles aux pépins de cerise (ça sent bon, mais ça ne reste pas chaud assez longtemps, les bouillottes graines de lin, ça sent l'avoine qu'on donne au cheval et ça finit par brûler dans le micro-onde). J'ai essayé une ceinture chauffante (elle a fini par se casser). Enfin rien de tel que la bonne vieille bouillotte à l'eau (ça brûle, mais bon, ça fonctionne). Evidemment, je ne la place directement pas sur la peau, il y a toujours un vêtement et un drap ou une couverture, mais quand on utilise une bouillotte non-stop : cela fait des dégâts.
Donc cette maladie, vous ne le voyez pas (parce qu'aussi vous ne le voulez pas vraiment non plus peut-être). Vous pensez que l'endométriose, on la maîtrise parce qu'on vient bosser ou on vient à une soirée souriante, on boit un coup, et on s'assied, parce qu'on déménage, parce qu'on a une vie, mais vous ne voyez pas qu'on fait un effort et que sous la jolie jupe en soie, il y a de jolies petites traces de la maladie qui est tellement profonde, que oui, elle est invisible à l'oeil nu, mais les échographies (qui font mal) ou les IRM montrent bien la colonisation de l'endométriose (et il y en a des biens pires que la mienne). Mais soyez juste un peu plus attentif, il y a des choses qui se voient et il y a des paroles à ne pas prendre à la légère. Et c'est valable pour toute maladie, chronique ou pas.
L'ultra fatigue liée l'endométriose
Vous ne voyez pas non plus la fatigue chronique, (ou vous faites semblant), vous n'imaginez pas le besoin impérieux de dormir, soit parce que les médicaments vous shootent soit parce que vous êtes simplement épuisée de ne pas dormir normalement car vous avez des troubles du sommeil ou urinaires. On se réveille tôt, on a besoin d'une sieste et on essaie de tout gérer : mais à un moment ou se rend compte que ce n'est pas possible. Et on déprime quand on réalise que oui, cette maladie va avoir un impact sur sa vie pro et perso. Cela aussi ça prend de l'énergie, la dépression. Car ce corps devient peu fiable, on ne sait pas quand il va redevenir douloureux. On ne sait pas si on va bien dormir, si on va en chier, si on va avoir besoin de ses médicaments, etc. Mais ça aussi on peut le voir : une personne qui baille, qui a des cernes, qui se déplace lentement, qui reste assise, une personne qui s'absente,... ce sont des signaux et si elle vous en parle : vous n'avez aucune excuse.
On déprime du manque d'empathie aussi et de soutien, voire des attaques et commentaires désobligeants : mais ça, c'est une leçon à retenir. Il y a des gens vraiment décevants et c'est dans la maladie qu'on les démasque. Ces amis qui vous côtoyaient parce que vous étiez disponible pour aller boire des verres ou aller au resto, d'un coup, ils ne sont plus là pour vous. Tant que c'était festif, qu'on parlait de petites ruptures amoureuses, d'augmentation au taff et de choses plus ou moins communes, c'était ok. Mais dès lors qu'on entre à ce point dans l'intime, on parle quand même de fertilité, d'utérus, d'ovaire, de trompe, etc. Là, on voit bien que l'heure n'est plus à la fête et que les gens ne font plus trop d'efforts, voire qu'ils vous jugent : peut-être que vous profitez de votre maladie pour vous faire plaindre ? Pour moins travailler ? Vous croyez vraiment qu'on a envie de perdre notre job, notre amoureux et nos amis ?
Alors il y a une phase de culpabilité, oui. Car on se dit, "je devrais moins me plaindre, mais j'ai tellement mal". On se dit, "je devrais continuer de super bien bosser et de tout gérer ": on essaie, mais on a besoin de repos, d'un arrêt et on s'en veut. Car on n'a pas décidé de tomber malade, d'avoir cette maladie de merde. On se dit aussi : "je devrais faire plus attention à ce que je mange", mais on se réconforte comme on peut.
On déprime aussi car on nous parle de préservation de fertilité, on vous parle d'infertilité (plus de 40% des cas), on vérifie votre réserve ovarienne, on ne vous parle pas d'opération, on vous demande avant tout si vous voulez des enfants. Vous, vous avez mal, et vous n'envisagez pas un instant une grossesse sans avoir trouvé de solution à cette douleur. ÇA AUSSI ÇA DÉPRIME ET ÇA PREND LA TÊTE.
Heureusement, j'ai vu le reportage sur LCP avec LYV, et j'ai découvert le centre IFEM Endo de Bordeaux où j'ai pu avoir un rendez-vous et trouver une solution et des réponses.
Au travail aussi, c'est assez visible. Un salarié malade n'est pas moins motivé, il souffre. S'il peut bénéficier d'un aménagement de poste : attention à la discrimination et au harcèlement. Je pense qu'il existe des solutions et que les choses avancent dans le bon sens (aménagement de poste, etc.), mais ce n'est pas encore suffisant. Il faut des formations pour les managers et plus de jours de congés ou de télétravail. Et si une personne "change", quand elle traverse tout ça, c'est aussi normal. Et le pire, c'est qu'on essaie de tout mener de front, d'anticiper la douleur, de prendre des dispositions : mais tout ça, ça nous est reproché. Si on anticipe, c'est pas normal, peut-être qu'on simule ?
Il y aura toujours quelqu'un pour venir vous faire des réflexions inutiles et dire que vous n'êtes pas joignable à vos boss à faire du lobbying contre vous en disant que c'est pas normal et que vous êtes le problème (là aussi, attention au Code du travail). On vous cherchera toujours des puces, donc vous devrez rester sur vos gardes tout le temps, être autant que possible irréprochable, et ça aussi ça prend de l'énergie : QUE VOUS N'AVEZ PAS. Est-ce encore à moi d'expliquer ça, aussi?
Pendant plus d'un an, j'ai cherché des solutions, je me suis démenée pour tout gérer et j'ai essuyé des réflexions inadmissibles. Le pire étant les personnes qui nient totalement votre maladie dans votre famille, dans vos fréquentations ou au travail (celles qui vous ignorent, vous laissent tomber, mais ça ma foi, ça en dit long sur elles et vous n'en voulez pas dans votre vie). Mais ça aussi, ça fait mal et ça PREND LA TÊTE. On ne voit pas le bout du tunnel et on se dit : si personne ne le voit, c'est que ça n'existe pas.
La prise de poids est bien visible
Bon, je ne vais pas faire ouin ouin, je pense qu'après l'opération, je vais perdre un peu de poids. Mais j'ai tout de même pris près de 8 kilos. Donc le rapport à mon corps n'est plus le même, j'ai le ventre brûlé, gonflé, je suis fatiguée et je n'ai pas du tout envie d'aller faire du sport, même si c'est recommandé. Enchaîner les rendez-vous médicaux, c'est fatigant et parfois, ça vous fait mal. Donc il faut apprendre à gérer la douleur et perso, je dors beaucoup et je ne suis pas très active. Et surtout : je ne veux plus qu'on me touche. J'ai été tellement blessée par des personnes à qui je me suis confiée que ça ravive en mois de vieux traumatismes.
Heureusement, une opération est possible pour enlever les lésions profondes et retrouver, je l'espère, la vie d'avant ou mieux, un nouveau mode de vie. Le poids n'est pas un indicateur clé de bien-être, bien entendu, mais tout ce que je décris participe à un déséquilibre physique et mental.
Ce que vous voyez le jour, c'est une personne souriante, qui parfois ronchonne si elle doit se défendre ou si elle a mal, mais dès que je suis seule, je doute, je pleure, j'ai mal et j'ai envie que ça s'arrête.
Je sais que d'autres femmes n'en parlent pas, qu'elles n'ont aucune aide, qu'il y a une errance médicale, des informations à aller chercher toute seule, des professionnels à contacter pour aller mieux justement, au lieu de les y aider on les juge et ça fait mal. Je sais à quel point c'est important l'écoute, les conseils et le soutien des autres. Alors, je suis là pour vous si vous en avez besoin et adhérez vite à EndoFrance.
Je repense à ma voisine qui m'a demandé avec délicatesse de quelle maladie je souffre et je lui en ai parlé librement. J'en parle aussi aux hommes, car à mes yeux, il ne s'agit pas de se plaindre, mais de faire avancer le sujet, le faire connaître et libérer la parole. J'en parle à tout le monde, car je m'en fou : c'est la vérité, ma vérité et ce que je traverse, et même si on peut me dire que toute vérité n'est pas bonne à dire : j'ai une endométriose et d'autres femmes aussi et on n'en parle pas assez et on fait comme si ça n'existait pas et cette invisibilisation nous met en danger. Alors que pendant ce temps, il y a des équipes médicales qui se démènent pour soigner, pour écouter, pour limiter l'impact de cette maladie sur la vie des femmes.
Comme dit la chanson de Souchon : "on avance, on avance, on avance... Tu vois pas tout ce qu'on dépense. On avance. Faut pas qu'on réfléchisse ni qu'on pense. Il faut qu'on avance."