top of page
Photo du rédacteurMarion Marten-Pérolin

L'hibiscus pourpre de Chimamanda Ngozi Adichie: au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit

Le premier roman de Chimamanda Ngozi Adichie est des plus poignants. A travers les yeux de Kambili 15 ans, qui est la narratrice de ce roman, l'autrice aborde de nombreux sujets difficiles notamment la violence conjugale ou familiale, en nous plongeant dans une famille nigériane. Un roman complexe sur la pratique religieuse et les croyances d'un père parfois tyrannique, souvent violent, mais aussi aimant et généreux. Voici un résumé de cette lecture ainsi que des citations.

L'hibiscus pourpre de Chimamanda Ngozi Adichie: au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit
L'hibiscus pourpre de Chimamanda Ngozi Adichie: au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit

Ecrit en 2003, le premier roman de Chimamanda Ngozi Adichie "L'hibiscus pourpre" a tout de suite été repéré. Sélectionné pour l'Orange Prize et le Booker Prize, ce roman est une véritable pépite. Kambili est une adolescente réservée, timide, maltraitée, comme son frère Jaja. Tous deux vivent avec un père religieux dont les colères font trembler les murs et brisent tout sur leur passage. Leur mère subit, docilement. Tout s'écroule le dimanche des Rameaux. La famille implose. Dans ce roman, on assiste à l'évolution du caractère de Kambili et de Jaja. Au courage, à la rébellion.


On saisit également l'atmosphère de corruption au Nigéria, la répression, les difficultés des étudiants, des professeurs, des femmes seules. Entre les coupures de courant, l'absence d'essence aux pompes, les grèves à l'hôpital, on se fait une idée sur la complexité du quotidien.


Tous les personnages ont leur importance, la tante Ifeoma, Amaka, Obiora, etc. tous apportent des clés au lecteur et se révèlent des alliés précieux pour Kambili et son frère quand la tempête paternelle s'abat sur eux. Ce livre faisait partie de ma liste de lecture et j'ai savouré chaque page, me levant tôt pour avancer dans l'intrigue. Il me reste à lire "Autour de ton cou" et "L'autre moitié du soleil". Mais je vous recommande chaudement cette autrice et ses textes, écrits avec finesse et force.


L'hibiscus pourpre de Chimamanda Ngozi Adichie : un roman féministe?


Chimamanda Ngozi Adichie se définit comme une féministe. Elle a d'ailleurs donné de nombreux discours sur ce thème qui ont été publiés : "Nous sommes tous des féministes suivi de Le danger de l'histoire unique" et "Chère Ijeawele, ou un manifeste pour une éducation féministe". Ce qui transpire de ce premier roman c'est justement la place de la femme. Mama, la femme battue, Ifeoma, la veuve qui galère avec ses enfants, Kambili l'adolescente paralysée par son père, Amaka, la cousine affirmée. Autant de femmes qui vivent différentes situations et surtout : s'aident.


La sororité est puissante dans ce roman. La place de ces femmes dans cette fiction est intéressante. Ce qui n'est pas pour déplaire à Alice Zeniter qui a publié "Toute une moitié du monde" un livre sur la place des femmes dans la littérature. Ces femmes, elles sont finalement indociles, libres, même si l'émancipation coûte cher. La place de l'homme, du père ou du frère est également intéressante. Il y a opposition entre le père et le fils. Alors même que nous sommes dans un roman qui parle de religion, cette dualité est des plus intrigantes. Comment se place Jaja face à son père ? Va-t-il reproduire la violence ? Accepter tous les dogmes ou les rejeter ? Il s'inspire de son cousin Obiora qui donne l'exemple.


Un homme peut choisir quelle position il adopte par rapport aux femmes, par rapport à lui-même et aux autres hommes. Il peut être sensible, aller au jardin faire pousser des hibiscus pourpres, et se rebeller et défendre les siens. Le père enfin, cette terreur torturée entre deux mondes religieux : les traditionalistes et les catholiques. Il a dû abandonner la religion de son propre père, le renier. Aucune tolérance pour les païens, aucun respect pour le père. Il y a donc deux histoires de pères et de fils qui s'opposent. Et Jaja comment peut-il se sortir de cet imbroglio entre le père et le grand-père ? Quel exemple le père, Eugène, donne-t-il à ses enfants ? Le lien filial est mis à nu. On peut le chérir tout en tirant trop dessus. On peut le couper dans une impulsion. Et c'est irrévocable.


Kambili est plus mesurée. Son père est son héros et son bourreau, elle l'aime de tout son coeur, de tout son être et le craint sans même le formuler. Il faut de la distance pour qu'elle puisse s'affirmer et grandir. Je ne vous en dis pas plus car je ne voyais pas venir la fin ! Et quelle fin ! Ce roman est un nuancier de sentiments et une immersion au Nigéria avec des mots de Ibo et de langage parlé, notamment la scène où la police fait irruption dans le salon de Nsukka ou celle où Kambili se fait coiffer.




Des citations de "L'hibiscus pourpre"


"Combien d'entre nous ont défendu la liberté ?"


"Il y avait dans ses yeux des histoires que je ne connaîtrais jamais"


"Quelquefois la vie commence quand le mariage prend fin."


"Voici ce que les nôtres disent au Dieu Haut, le Chukwu, dit Papa-Nnukwu. Donne-moi et la richesse et un enfant, mais si je dois choisie entre les deux, donne-moi un enfant parce que quand mon enfant grandira, ma richesse fera de même."

"Ne dit-on pas que le temps file quand on est heureux?"


"La morale, comme le sens du goût, est relative."


"J'ai besoin de croire en quelque chose que je ne remette jamais en cause."


"C'est ce qui arrive quand tu restes sans rien faire devant la tyrannie. Ton enfant devient ce que tu ne peux pas reconnaître."


"Le soleil nous prévient de la pluie."


"Il reste encore tant de choses que nous ne disons pas avec nos voix, que nous ne changeons pas en mots."



bottom of page