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Photo du rédacteurMarion Marten-Pérolin

Citations: Il est des hommes qui se perdront toujours de Rebecca Lighieri, avis et extraits du roman

Le roman "Il est des hommes qui se perdront toujours" est un grand plongeon dans une famille des quartiers Nord de Marseille dans les années 90. Une famille avec des origines multiples, et surtout avec un père violent et toxico. Dans ce roman de Rebecca Lighieri, le lecteur suit l'évolution d'une adelphie, deux frères et une soeur qui nourrissent une haine profonde du père. Un roman plein de tristesse et ô combien palpitant. Voici un avis de lecture et des citations.

"Il est des hommes qui se perdront toujours" de Rebecca Lighieri, avis et extraits du roman
"Il est des hommes qui se perdront toujours" de Rebecca Lighieri, avis et extraits du roman

Commençons par ce que j'ai aimé dans ce livre, le rythme, les personnages, l'intrigue, car on est toujours étonné de la tournure que prennent les choses. Les personnages, on les découvre enfants et on assiste à leur évolution, jusqu'à la vingtaine. Leurs peines, leurs amours, leurs colères, la vie de jeunes, somme toute classique. Sauf que ce ne sont pas des jeunes "comme tout le monde". Ils vivent avec un vide au milieu de la poitrine. Un vide creusé par l'absence d'amour et de cadre de la part de leurs parents. Car sans figures parentales, sans l'amour des parents, ces enfants se construisent comme ils peuvent. Des enfants de bric et de broc.


Les parents sont là pourtant, ils existent, ils partagent leurs vies, le même appartement crasseux. Mais on assiste à des scènes de maltraitance écoeurantes. C'est forcément ce que j'ai le moins aimé. Ce père absolument immonde, plein de haine, de colère, qui se défoule sur ses enfants, et surtout sur le dernier-né. Ces parents toxicomanes, abusifs, leurs personnages peuvent manquer de vraisemblance, on aimerait qu'il n'existe pas de parents comme eux, pourtant... on sait qu'il en existe. Et c'est ce qui est le plus dévastateur dans cette histoire.


L'histoire de Karel, Hendricka et Mohand


Deux beautés qui courent les castings avec leur père et un enfant malingre, tel est le tableau proposé par l'autrice. Karel et Hendricka sont deux enfants magnifiques, on se retourne dans la rue pour les regarder. Cette beauté, ils n'en ont que faire. Pourtant, elle peut servir. Mohand, lui, ne part pas dans la vie avec les mêmes atouts. Et c'est celui qui s'affranchira le plus de son histoire familiale. Une histoire tragique, d'aimer des parents qui ne vous aiment pas. Qui vous empêchent de grandir, qui vous blessent profondément. A tel point que le coeur lâche.


Cela me fait penser à un poème que j'aime beaucoup, "Le vase brisé" de Sully Prudhomme, notamment à ces vers qui me transpercent :


"Souvent aussi la main qu’on aime,

Effleurant le coeur, le meurtrit ;

Puis le coeur se fend de lui-même,

La fleur de son amour périt"


Le style de l'autrice est très moderne, avec des scènes carrément érotiques, car un des personnages est un peu accro au sexe, et c'est peu de le dire. Rebecca Lighieri propose aussi des personnages secondaires très intéressants, des gitans du passage 50, qui accompagnent les personnages principaux tout au long du livre. On aime qu'elle leur donne une voix, une identité, une dignité. J'aime ces livres où la langue n'est pas qu'une langue d'Académiciens. Avec des mots nouveaux, des mots de tous les jours, des mots de gitan, de manouche, d'Arabe, d'autres langues... On est dans une communauté qui vit, qui aime, qui se marie, mais qui vit en dehors de la cité phocéenne, exclue, ou peut-être préservée de ses vices.


Ce qui m'a beaucoup marquée avec cette lecture, c'est le parallèle que j'ai pu faire à un moment de l'intrigue avec le roman "Crime et châtiment" de Dostoïevski. Car un des personnages commet un crime qui le poursuit tout du long du roman. Et puis, il y a aussi cette envie si forte de tuer le père, comme dans le livre d'Amélie Nothomb. D'ailleurs, pour bien appuyer sur le propos, et sur les touches du clavier, cela peut interroger sur la violence des hommes, qui se déchaînent sur des femmes qui ne leur veulent aucun mal ou qui se déchaînent sur leurs enfants. On voit à quel point la violence se transmet... (lire : Nos pères, nos frères, nos amis - Dans la tête des hommes violents de Mathieu Palain).


Ce qui est malheureux, c'est qu'il en existe des Karel, des Hendricka et des Mohand. Des enfants qui aiment en vain des parents abandonniques et tyranniques. Avec une enfance volée, ils avancent tant bien que mal dans la vie. Et l'issue peut être fatale.



Citations du roman "Il est des hommes qui se perdront toujours"


"Comme quoi, les filles ne sont jamais tranquilles. Il y a toujours quelqu'un pour leur reprocher ce qu'elles portent ou ce qu'elles ne portent pas."


"L'amour existe, mais dans un monde qui n'est pas le nôtre."

"Après tout, on ne meurt pas d'aimer, à part dans les chansons de Charles Aznavour."


"Je mens, mais de toute façon, tout le monde ment. A croire que la vérité est inadmissible. Que le fond de nos coeurs est incommunicable."


"Plus on est éloigné de l'amour, plus on écoute des chansons qui le célèbrent."


"J'ai beaucoup repensé à l'enfance, récemment. Et pas seulement la mienne, mais à celle de tous ceux qui ont traversé la leur comme une nuit qui n'en finissait pas."


"A croire que tout le monde finit tôt ou tard par se méfier de soi et par s'autocensurer en permanence, de sorte qu'à l'âge adulte, on ne rencontre plus que de petits automates prudents et rusés."


"Tu sais comment il est mort, Marvin Gaye ? Tué par son père. Des pères qui tuent leurs enfants, il y en a plein, si tu savais..."


"A vrai dire, pères ou darons, la plupart se sont fait la malle depuis longtemps : ils sont partis avec une autre femme ou dans une autre ville."


"Un monde dans lequel nous pouvons à tout moment être suivis, pistés et retrouvés à cause de nos portables, ça nous fait peur à tous les trois - mais nous ne savons pas encore à quel point ce monde va devenir le nôtre."


"La seule chose qui dure toujours, c'est l'enfance quand elle s'est mal passée : on y reste coincé à vie."


"Qui sait pourquoi un coeur s'arrête ?"



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