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Photo du rédacteurMarion Marten-Pérolin

La place du suicide dans la littérature

Le sujet du suicide revient couramment dans la littérature. De nombreux personnages se suppriment ou réfléchissent à le faire. Il n'est pas rare que le lecteur soit confronté à la disparition violente d'un des personnages, qu'il s'agisse d'une femme ou d'un homme. Les auteurs posent ainsi la question de la mort volontaire et tentent d'apporter une explication ou un sens à ce geste qui n'est malheureusement pas rare dans la vraie vie. Mettre fin à ses jours, se suicider, s'occire : "être ou ne pas être, telle est la question" qui laisse ceux qui restent sous le choc, avec des questions, de la culpabilité, de la colère parfois et surtout des millions de larmes...

La place du suicide dans la littérature
La place du suicide dans la littérature

Dans le monde, 700.000 personnes se suicident chaque année selon l'OMS. 700.000 personnes, c'est plus que la population entière de Lyon ou de Toulouse. Vous imaginez, une ville entière décimée pour cause de suicide chaque année ? Et le suicide ne date pas d'hier.


Depuis des temps immémoriaux, des hommes et des femmes mettent fin à leurs jours. Les causes sont variées, maladies mentales, chagrin d'amour, faillite, violences, etc. Les modes opératoires diffèrent, pendaison, médicaments, armes à feu... Une chose ne change pas : ils mettent fin à leur existence et rien ne semble pouvoir les en empêcher. Les personnes qui survivent à leur disparition sont amputées à vie. Combien de familles ont fait face au suicide d'un des leurs ? La mienne a connu plusieurs suicides. Raison pour laquelle j'ai étudié la question dans les livres.


A mes yeux, la question était vitale. J'avais besoin de comprendre les gestes, car je ne pouvais pas concevoir la vie autrement. Il fallait mettre des mots dessus en l'absence de lettres de suicide. Ces missives auxquelles ont voudrait s'accrocher comme on s'accroche à la vie.




Des ouvrages sur le suicide, essais, théâtre et romans


Voici des ouvrages qui m'ont aidée pour "mieux" comprendre le suicide :

  • "Le Suicide" d'Émile Durkheim

  • "Histoire du suicide" de Georges Minois

Si vous êtes confronté au suicide, il est essentiel de se faire accompagner par des professionnels, que l'on ait des idées noires ou qu'un membre de sa famille ou un ami se tue. Il existe des lignes d'écoute pour ne pas rester seul. Voici le numéro national souffrance et prévention du suicide qui apporte une écoute professionnelle et confidentielle 24h/24 et 7j/7 : 31 14.


Je me demandais ce que signifiait la mort de ces membres de ma famille, je me demandais pourquoi notre amour n'avait pas été suffisant pour les garder en vie et surtout je me demandais à quoi bon vivre après tout ça. Quel est le sens de la vie ? Celui de la mort ? Aussi, j'ai lu pour trouver un peu d'aide et calmer mon chagrin. J'ai théorisé pour mieux comprendre. Et je me suis demandé si c'était héréditaire : le gène du suicide coule-t-il dans mes veines ? J'ai fait face à l'absence de réactions adaptées de certaines personnes, le suicide : ça fait peur. On pense que c'est contagieux.


J'ai trouvé de nombreuses réponses, et j'ai été suivie par des psychologues. Seule, je n'arrivais pas à m'en sortir. C'est trop difficile de faire son deuil de manière aussi violente. Et puis, on ne veut pas y croire, cela semble contre-nature. Cela s'inscrit d'ailleurs dans les débats sur la fin de vie. La société qui pousse parfois les personnes au suicide, doit-elle les aider à mourir ? Peut-on vraiment dire qu'il y a une bonne et une mauvaise réponse à cette question ? La société a d'ailleurs été longtemps très répressive envers les suicidés et leur famille...


Ce thème du suicide revient dans de nombreux livres, le plus connu n'est autre que la pièce de théâtre "Hamlet" de William Shakespeare avec sa question qu'on utilise à toutes les sauces, mais qui parle en réalité de suicide : "to be or not to be that is the question". Cela veut dire qu'on a deux options : être ou ne pas être. Vivre ou mourir.


Dans une autre de ses célèbres pièces de théâtre, "Roméo et Juliette", les deux personnages principaux se donnent la mort, victimes de la fatalité et de la guerre entre leurs familles. On se demande pourquoi on ne pourrait pas s'aimer un peu plus librement, car l'amour est vital. On se demande aussi pourquoi on nous en empêche, de vivre avec un peu plus de douceur quand on sait que l'issue peut être la mort. Une nouvelle fois, un peu d'humanité ne tuera personne.


Shakespeare n'est pas le seul dramaturge à avoir questionné le suicide. Je pense aussi au personnage d'Antigone (dont j'ai lu la version de Jean Anouilh et de Sophocle) qui met fin à ses jours en raison de l'offense faite à son frère. Elle choisit la mort, en raison d'une situation inique peut-être même par honneur, et l'amour n'y fait rien. Ce sont quelques exemples, il y en a évidemment d'autres. Ces derniers font néanmoins partie de la culture collective. Ils devraient nous éclairer, nous alerter... mais on préfère les oublier ou ne pas les comprendre.


D'autres auteurs, comme Françoise Sagan ou Romain Gary évoquent le suicide dans leurs textes, je pense à "Des bleus à l'âme" ou "Clair de femme". "Il n'est pas vrai, à mon avis et contre l'avis des psychiatres, qu'on naisse suicidaire", écrit Françoise Sagan. Plus loin, elle poursuit avec cette citation terrible :


"Ce qu'on met en miette en se tuant, ce n'est pas seulement le coeur des gens, leur tendresse pour vous, le sens de leurs responsabilités vis-à-vis de vous, c'est aussi leur raison initiale de vivre et qui n'est rien, s'ils pensent vraiment, sinon un souffle et ce battement au poignet et parfois, ce regard ébloui devant un jardin, un être humain ou un projet, si bête soit-il. Ça jette tout par terre. Les suicidés sont très courageux et très coupables.".

Pierre Lemaître aussi opte pour le suicide dans un de ses textes les plus connus, "Au revoir là-haut". Que dire également de la place du suicide dans "Anna Karénine" de Tolstoï ou encore dans "Madame Bovary" de Flaubert (dont on apprécie les lettres dénuées d'empathie à Louise Collet). Il est parfois plus simple de tuer le personnage féminin nous explique Alice Zeniter dans son livre "Toute une moitié du monde."


Albert Camus a également écrit sur le suicide, je pense ici à son essai "Le Mythe de Sisyphe" qui revient sur l'absurdité de la vie humaine. Je pense aussi aux maladies mentales qui peuvent être une cause de suicide. Je pense ici au texte de Delphine de Vigan sur la mort de sa mère dans "Rien ne s'oppose à la nuit" ou encore au roman "En attendant Bojangles" d'Olivier Bourdeaut. La question du suicide semble donc hanter les personnages, comme les auteurs. La frontière entre la fiction et la réalité est d'ailleurs très floue.




Suicide et littérature : les écrivains et le suicide


Stefan Zweig, Romain Gary, Virginia Woolf, Ernest Hemingway : ces auteurs ont mis fin à leurs jours. Les raisons diffèrent, Stefan Zweig s'est suicidé avant la fin de la Seconde Guerre mondiale, Romain Gary peu de temps après le suicide de sa compagne, etc.

D'autres auteurs, comme Camus ou Gérard de Nerval sont morts par "accidents" et il subsiste un doute sur leur suicide.


En revanche, dans leurs écrits, la perte de sens de la vie, l'absurdité de l'existence, la dépression, l'approche de la fin de la vie, semblent jouer un rôle dans leur geste. Comment survivre quand on voit de quoi est capable l'homme ? On peut également citer Primo Levi auteur de "Si c'est un homme", un texte terrible sur les camps d'extermination nazis. C'est vrai, après tout, lorsque l'on voit de quoi sont capables les Hommes, on se demande si la vie a un sens. Alors on essaye de s'accrocher à l'amour, coûte que coûte. La plus cruelle des morts serait de ne plus les aimer et de ne pas chercher à les comprendre.


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