Love de Toni Morisson est un de ces romans qui vous aspirent. L’intrigue vous tient en laisse. Vous voulez suivre l’autrice qui vous tend parfois des pièges ou des clés pour comprendre le drame. Morale de l’histoire, le monstre n’est pas toujours celui qu’on croit.
Sur fond de racisme et de lutte, Toni Morisson propose un roman somptueux qui raconte l’histoire d’un homme qui fait fortune grâce à son hôtel en bord de mer (et surtout l’héritage de son père). Un homme d’un certain âge, dévasté par des pertes qui se remarie. Un mariage peu ordinaire de nos jours puisque l’épouse n’a pas plus de 13 ans au moment des noces. Un mariage abusif qui nous entraîne dans une société qui s’inspire de la réalité.
L’autrice présente par exemple longuement un personnage qui lutte contre le racisme et rappelle un terrible fait divers... Un homme noir tué froidement. Et des années plus tard où en sommes-nous ? Le racisme bat son plein, une série vient de sortir sur le sujet : La fièvre. Un noir frappe un blanc et le traite de toubab, c’est la France qui s’embrase.
Ce clivage alimente les extrêmes et la haine de l’autre qui peut mener à une guerre civile.
Rendons hommage à George Floyd, tué par un policier pendant un contrôle.
« I can’t breathe », disait-il dans un dernier souffle à une figure d’autorité, qui est censée protéger la société. « En 2020, Derek Chauvin était resté agenouillé pendant près de dix minutes sur le cou de George Floyd. Lors de ses procès, l’ancien policier n’a jamais manifesté de regrets, ni présenté d’excuses », relate Libération dans un article qui revient sur l’agression du policier en prison. L’homme a écopé de plus de 20 ans de prison : mais pour une personne condamnée combien sont celles qui n’ont jamais eu d’ennuis avec la justice malgré leurs actes racistes ?
Le racisme prend racine dans un passé toujours présent. De la différence ne naît pas la force, mais la violence. Pourquoi ? Pourquoi une personne vaut-elle plus qu’une autre selon la société ? On nie l’humanité d’une grande partie de la population. Dans ce contexte, le plus souvent, on leur refuse toute dignité. On fait des amalgames. On oublie qu’on est tous humains... que chaque vie compte. On peut mieux faire contre le racisme.
Mais revenons-en à ce livre de Toni Morrison. Un roman glaçant, dérangeant, qui propose une immersion dans la vie de personnages issus de différentes classes sociales, celui qui a réussi, celui qui travaille dur, celle qui se prostitue, celle qui est vendue... des caricatures qui en disent long et qui permette à l’autrice de lutter contre la ségrégation et rappeler à chaque lecteur que toutes les vies comptent. Une autrice révoltée qui a obtenu le prix Pulitzer 1988 pour "Beloved" (1987). Un livre sur ma liste de lecture évidemment !
Quelle est l’histoire de Love de Toni Morisson ?
Love est un texte qui nous plonge dans la vie de Papa, ou Cosey, qui tient un hôtel dansant où l’on peut se détendre et bien manger. La réussite de cet homme séduit les noirs qui vivent aux alentours, même si le lieu n’est pas abordable pour leurs faibles économies. Sous des aspects de réussite, on se rend compte que d’autres n’ont pas la même chance. Certains sont parqués comme des chiens à la Colonie. D’autres finissent par vivre dans des résidences préfabriquées de mauvaise qualité. Travaillent dans une usine de poisson. Papa est leur sauveur.
Sa bonté est sans égale. Il aide des personnes à trouver un meilleur travail, à avoir un logement, il finance les obsèques. Il donne de l’importance à ceux qui pensent ne pas en avoir. Aux insignifiants. Il pactise aussi avec les blancs riches. Il prend sous son aile un jeune homme, lui confie sa vie. Il s’amourache d’une jeune fille ; il décide de l’épouser. Tout semble normal. Mais il s’agit du mariage d'un vieil homme et d'une enfant qui fait encore des châteaux de sable et joue aux billes. Et cela se corse un peu plus lorsqu’il disparaît. Il n’a pas laissé de consignes claires pour son héritage : qui de sa petite fille ou de sa femme aura la maison ? Les deux doivent cohabiter ensemble dans la maison jusqu’à ce que justice se fasse. Celle des hommes ou celle de Dieu.
La force de ce texte réside dans la nuance. Dans l’observation, la description de conditions de vie, la lutte contre le racisme. De Malcom X à MLK, l’autrice retrace l’évolution de la conquête des droits civiques des noirs américains... Et nous donne une bonne leçon sur l’amour.