Qu'attendent les singes de Yasmina Khadra est un polar perturbant sur le meurtre d'une jeune femme de 23 ans en Algérie. Un meurtre d'une incroyable barbarie qui nous replonge dans la barbarie qui a endeuillé le pays pendant de nombreuses années... Voici un avis de lecture et des citations.
Qu'attendent les singes de Yasmina Khadra est un roman d'environ 300 pages publié en 2014. Tout commence avec la découverte d'un corps sans vie d'une vierge. Les policiers sur place sont heurtés par un détail troublant qui sera déterminant pour la suite de l'enquête. Ce que nous raconte l'auteur dans ce polar est l'Algérie au temps des monstres.
Ce n'est pas le seul livre de l'auteur algérien dans lequel une femme tient un des rôles principaux. Mais la commissaire Nora qui évolue dans un monde d'hommes est un personnage clé. Dans "L'attentat" également, un des personnages les plus importants du livre est une femme.... Elles ne sont pas passives et évoluent dans un monde d'hommes, qui pensent les connaître.
L'écriture de Yasmina Khadra, qui a emprunté les prénoms de sa femme pour son nom d'auteur, est dure. Il détaille la violence des hommes et des femmes avec un vocabulaire sanglant. Ce qui est le plus percutant, c'est qu'il met les uns et les autres face à leurs paradoxes. D'un côté, on prône certaines valeurs, de l'autre on enfreint toutes les règles (et dans ce roman, toutes les lois). Mais la loi concerne tous les hommes, même ceux qui tiennent les ficelles de la société et manoeuvrent dans l'ombre pour leurs intérêts. Le peuple n'a qu'à bien se tenir.
C'est tout le drame de l'Algérie, et des années qui ont suivi la guerre d'Algérie. La désillusion des intellectuels, des jeunes... qui, au lieu d'une nouvelle liberté, ont découvert une nouvelle forme d'oppression. C'est d'ailleurs dans le dernier tome de la BD Carnets d'Algérie de Jacques Ferrandez (qui porte sur la période 1962/2019) que j'ai découvert la référence à ce roman de Yasmina Khadra.
Pour aller plus loin : vous pouvez regarder le terrible film Papicha de Mounia Meddour.
Citations du livre Qu'attendent les singes de Yasmina Khadra
"En Algérie, aucun dieu n'est tout à fait à l'abri."
"Dans une société phallocentrique, être femme et diriger des hommes relèvent aussi bien du supplice sisyphéen que du casse-tête chinois."
"Le machisme a la peau aussi dure qu'une carapace et aussi verrouillée qu'une camisole."
"La vérité, c'est ce que les gens croient. Toute sainte vérité qui ne tient pas la route est allégation, toute énormité qu'on ne peut pas défaire est vérité absolue."
"Flaubert dit que tout ce que nous inventons est vrai."
"Savez-vous ce qu'il arrive aux papillons de nuit ? A force de graviter autour d'une source de lumière, ils finissent cramés..."
"La faute incombe au système. C'est lui qui pousse ses enfants à la folie en leur refusant le droit d'être heureux chez eux."
"Shakespeare disait : Celui qui a le pouvoir de faire du mal et qui s'abstient de l'exercer est un seigneur" Pensons ici à une scène mythique de La liste de Schindler...
"Il y a deux façons de voir les choses. Telles qu'elles sont ou telles que nous voulons qu'elles soient. C'est lorsqu'on les interprète que l'on a tout faux."
"Il est resté brave, le peuple d'Algérie, noble jusque dans la débâcle, jamais démissionnaire, toujours debout quand l'adversité dépasse l'entendement. On a confisqué ses valeurs, chosifié ses mythes, clochardisé ses artistes et on a étouffé dans l'oeuf ses idoles et ses champions, pourtant il continue de croire dans chaque étoile qui brille dans le ciel, dans chaque matin qui se lève sur des déjà-vu, rêveur parce qu'il garde la foi, longanime parce que immortel..."
"Les têtes brulées n'ont pas de mémoire."