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Photo du rédacteurMarion Marten-Pérolin

Triste tigre de Neige Sinno, un récit bouleversant sur l’inceste

Triste tigre de Neige Sinno est un livre qui vous envoie un coup-de-poing dans le plexus solaire. Vous arrêtez de respirer en découvrant l’horreur de ce qu’elle a vécu, de ce qui la hante encore. Ce texte dénonce l’inceste et le viol. Il ouvre aussi une porte de reconstruction sur des cendres.


Triste tigre de Neige Sinno, un récit bouleversant sur l’inceste
Triste tigre de Neige Sinno, un récit bouleversant sur l’inceste

La Petite fille sur la banquise rencontre un Triste tigre. Cette phrase peut n’avoir aucun sens si vous ne connaissez aucun de ces deux livres sur le viol et l’inceste.


Dans le premier, il s’agit de la quête de sens d’une petite fille qui essaie de recoller les morceaux de sa mémoire éclatée en morceaux après un viol dans une cage d’escalier. Elle avait environ 10 ans.


Dans le second texte que j’évoque et qui est le thème de ce billet doux, l’autrice explique la dissociation des victimes, essaie de comprendre les bourreaux. Elle évoque avec force ce qu’est un traumatisme. Les personnes traumatisées comprendront cet « autre lieu » qu’elle décrit.


A la lumière de cette analyse, je pense à un film : Je verrai toujours vos visages. Dans ce film, des victimes de vols violents rencontrent en prison des condamnés. Il y a comme une réparation. Dans le même temps, le téléspectateur suit une jeune femme victime de son frère incestueux. Elle cherche à se libérer de cette horreur. Ne plus jamais vivre ça.





Quelle est l'histoire de Triste tigre de Neige Sinno ?


Triste tigre est un livre autobiographique de Neige Sinno. Il s’agit de son 3eme livre. Dans ce texte, elle relate l’inceste dont elle a été victime enfant. Dès ses 8 ou 9 ans, son beau-père abuse d’elle. La viole.


Ce texte veut mettre en lumière ce témoignage. Celui d’une femme de lettres qui raconte le procès, les sévices, sans chercher à tomber dans l’horreur. L’horreur est déjà là. Partout. Elle nous interroge sur le bien et le mal en nous rappelant que les victimes et les bourreaux sont obligés de cohabiter dans notre société. Une société qui a semble-t-il encore du mal à condamner dans son ensemble les pédocriminels. On trouve toujours des circonstances atténuantes. Quoi, c’est un bon père avec les autres, il donne toujours un coup de main : mise à part ça.


Ce ça est pourtant une bombe nucléaire, une chose honteuse, ignoble. Et ces têtes pensantes qui souhaitaient qu’on enlève l’âge du consentement (qui par ailleurs à été réduit il y a peu). Peut-on consentir lorsqu’on son papa, son grand-père, son oncle, vient nous présenter sa bite en érection pour une fellation ? La réponse est non, quel que soit l’âge d’ailleurs.


Le livre pose toutes ces questions à la société qui a salué ce texte avec le Prix Goncourt des Lycéens et le Prix Femina. Deux distinctions littéraires qui montrent l’appétit dévorant de la société pour ces faits divers de petites filles violées (le plus souvent par des hommes n’en déplaisent à ces derniers.)


Pourquoi le titre Triste tigre ?


Je vous invite à lire le texte de Neige Sinno pour comprendre le titre : Triste tigre.

Pour vous mettre sur la piste, posez-vous cette question : préféreriez-vous être un tigre ou un agneau ?


Un tigre peut se défendre, attaquer. L’agneau n’est qu’une proie. Peut-on, lorsque l’on subit un viol, devenir un tigre ou restons-nous des agneaux, des victimes qui s’écroulent sous le poids de la violence? Des victimes qui n’arriveraient pas à sortir de leurs douleurs?


La force du tigre serait enviable. On se sentirait plus forts. On ne serait pas une proie, mais un prédateur. Mais faut-il forcément devenir le prédateur de quelqu’un ? Est-ce la voie des victimes ? Pas nécessairement nous répond Neige Sinno qui s’interroge sur l’impact de l’inceste sur sa vie, sur la littérature, son écriture, sa famille...


Un triste tigre, c’est ce que j’ai vu en cherchant une image d’illustration. Je n’ai vu que des tigres en captivité. Ils étaient beaux, majestueux, mais comme las de l’enfermement. On les voit domestiqués, presque rieurs, humanisés. Il y a peut-être de ça dans le titre, une notion de captivité. L’autrice est captive de son histoire triste. La captivité rend triste. Peut-être n’est-ce pas du tout une des explications, car vous trouverez plusieurs passages dans le texte de Neige Sinno, mais je pense qu’on peut lui donner ce sens.


Est-ce que triste tigre est une autobiographie ?


Triste tigre de Neige Sinno est une autobiographie. C’est aussi un superbe texte parsemé de citations pour éclairer le lecteur. Ayant étudié la littérature, ce n’est pas seulement un témoignage, c’est aussi un voyage à travers le langage. Comment nommer l’innommable? C’est en somme ce qui est proposé dans ce texte.


Un écoeurement vous prend, vous voulez arrêter de le lire, mais c’est plus fort que vous. Vous voulez comprendre l’autrice, sa démarche. Elle ne veut pas de pitié : elle veut que cela cesse. Elle ne veut pas transmettre son traumatisme à sa fille. Elle veut déconstruire l’idée que l’on se fait des victimes : elles doivent forcément s’effondrer dans l’inconscient collectif sinon ce ne sont pas de vraies victimes. Peut-être même des allumeuses !


Pensez au texte Lolita. Pensez au regard que porte la société sur les victimes de viol. Pensez au nombre de viols, d’inceste... ceux qui sont portés devant les tribunaux qui ne sont que la partie immergée de l’iceberg. Combien de plaintes sont classées sans suite ? Combien de femmes ou d’enfants ne porteront pas plainte pour préserver leur fragile équilibre ?


Comment la société accueillera-t-elle ces victimes qui deviennent des bourreaux pour leurs agresseurs : ils n’ont rien demandé, ils sont victimes d’eux-mêmes, peut-être même de l’enfant qui résiste, qui n’a pas dit non. D’où l’intérêt de pénaliser les viols sur mineur et de légiférer sur la notion de CONSENTEMENT. Arrêtons de tortiller sur cette notion. Il ne manquerait plus que des vieillards viennent baiser des nourrissons avec l’appui de la justice : il n’y a pas de limite d’âge et en plus il n’a pas pu dire non : il est dépourvu de langage. Ce n’est pas pareil dirons certains : un enfant contrairement à un bébé peut rechercher le plaisir sexuel. La notion de plaisir est aussi centrale dans ce texte. Un viol reste un viol. Et la famille, ce cadre qui doit nous aider à nous construire, est souvent le théâtre de terribles méfaits.


Et pour le choix de la photo d’illustration, j’ai opté pour un tigre qui semble triste, un tigre blanc, symbolisant peut-être la pureté, l’innocence. Un tigre dont le pelage sera bientôt tâché de sang. C’est cette dualité qui nous intéresse ici.

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